10 Aout 2018 17h47
Soutien Quizz.biz, Membre Premium
85 ans, Fleury-les aubrais, 45400
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Commençons par le début, d'abord, bravo et merci Bes.
Je suis né juste avant le début de la guerre 40 comme on disait après.
J'avais 6 ans quand elle s'est terminée mais je me souviens qu'elle m'a volé mon père en 42, il est revenu en 45. Ma mère m'a raconté qu'un soir ils avaient oublié d'éteindre la lumière au rez de chaussée, les Allemands ont enfoncé la porte en hurlant, mon père est descendu l'escalier et s'est retrouvé mitraillette sur le ventre, imaginez à 23 ans l'effet que cela peut faire quand en plus on est à moitié réveillé, depuis ce jour, il a toujours eu peur la nuit quand il y avait trop de bruit.
Nous habitions, à l'époque une maison accolée à la colline et une cave était creusée dans le tuf, c'est là que se réfugiaient aussi les gens du quartier en cas d'alerte. Des alertes, nous en avions souvent, nous étions proches d'une gare de triage et d'une base de lancement de V1 vers l'Angleterre, c'est dire que les bombardiers alliés venaient souvent nous visiter.
J'ai donc connu ces peurs, je ne parle pas de celles de l'évacuation, j'étais trop jeune, j'ai pris un an dans le train du côté de Jargeau alors que nous habitions l'Oise.
Quand mon père est rentré des travaux forcés en Allemagne, j'avais 6 ans, il ne m'a pas reconnu et cela m'a fait très mal, je lui en ai voulu longtemps. Mon oncle n'a pas eu cette chance, il a été tué lors d'un bombardement quelques jours avant l'armistice.
Après la guerre, il y a eu les restrictions, les tickets alimentaires, les prisonniers allemands qui se promenaient quand même dans les rues. Méfiance, ça nous savions faire.
La guerre n'était pas finie pour autant, mais là c'était loin, l'Indochine, Diên Biên Phu en 1954 au moment où la guerre d'Algérie commençait. J'avais 15 ans et on se demandait combien de temps elle allait durer, tous les jours c'était des attentats : "Toussaint rouge" en 54, les Massacres du Constantinois en 55, la Journée des tomates en 56, l'Opération Oiseau bleu en 56, Palestro en 56, la bataille d'Alger en 57, le putsch d'Alger et le comité de salut public en 58, puis l'arrivée du général De Gaulle, ouf, on pense que ça va être bientôt terminé, j'ai 19 ans, je viens de passer le conseil de révision et je suis bon.
Arrive juin 1959, j'ai 20 ans et la guerre n'est toujours pas terminée, je vais partir, en attendant les classes dans un régiment disciplinaire (j'ai déjà dit que je suis né dans une commune qui a été une résidence surveillée avant 1939 et qui a gardé des notions assez bagarreuses), classes terminées direction l'AFN, à Alger, où patrouilles en ville et expéditions dans le bled se succédèrent.
J'ai vu certaines atrocités, des pieds noirs sortir un Algérien de sa voiture, l'asperger d'essence et y mettre le feu, interdiction de bouger la part de notre lieutenant, pied noir lui-même, si bien qu'au retour à la caserne nous sommes allés voir notre ancien chef de section, un adjudant un grand frère, pour lui signaler la chose et lui dire que nous n'acceptions plus le commandement du lieutenant. Nous ne l'avons plus revu.
J'ai entendu une explosion au cours d'une patrouille et vu arrivée vers moi une jeune femme blessée au ventre, elle est morte dans mes bras. J'ai couru et sauté par dessus une rue de la Casba pour rattraper un Algérien qui a voulu me poignarder mais que j'ai réussi à éviter grâce à l'entrainement qu'on nous a donné avec le klaus combat.
En patrouille motorisée, on nous jetait des fleurs, soit, avec les pots mais des fleurs quand même. Quand ça rafalait, on se planquait où on pouvait, un jour je me suis retrouvé avec un copain et les brêlages sous une 4CV.
Quand je suis rentré, c'est mon frère qui a pris la relève, au plus grand dam de notre mère. Il est revenu, marqué dans sa tête en 63.
Ensuite il y a eu les attentats dont vous avez si bien parlés, je suis blasé, je ne dirais pas que je m'en fous mais je suis blasé, tant que les gens n'auront pas compris que ces individus sont dangereux et qu'on ne fera rien d'efficace contre eux, ils s'en donneront à cœur joie, ils auront leurs vierges au paradis parce que morts au combat.
J'arrête sinon on va encore dire que je suis raciste.
» modifié le 10 août à 17h54 par Cloclo45
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