6 Juil. 2021 16h40
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Je me permets de reproduire un message que j'ai déjà posté autre part, et qui traite du même sujet
Je suis pour le principe et l'idéologie de l'écriture inclusive, mais je ne suis pas d'accord avec tout ce qu'elle propose comme moyens pour les réaliser. Je suis absolument pour la féminisation des mots (hors mots épicènes évidemment, mais avec l'accord du déterminant). Qu'on dise et écrive "la ministre" ou même qu'on dise et écrive "professeure", "autrice", "écrivaine" ou "la médecin" me heurte légèrement parce que je n'ai pas l'habitude de cette orthographe / prononciation, néanmoins je juge que c'est nécessaire. Certains (je parle en général, je ne sais si c'est le cas de certains d'entre vous sur le forum) pensent que la langue n'a pas d'impact sur l'égalité homme-femme (ou femme-homme... ), je pense pour ma part que les mots structurent la pensée. Ce n'est pas pour rien si on a utilisé / utilise toujours des termes comme "frappe chirurgicale"... Si ça n'avait pas du tout d'impact sur la pensée collective, il serait inutile de les utiliser
Et puis j'ajouterai que, si mes souvenirs sont bons, la féminisation des noms ne date pas d'hier, elle existait mais elle a été abolie par le XIXe siècle... Donc en réalité, on se repose aujourd'hui sur une norme qui n'a "que" 200 ans, tandis que les mots ont commencé à être féminisés en français moderne... Dès l'apparition de celui-ci. Elle a toujours été dans l'usage !
Néanmoins, si je plébiscite une façon neutre d'écrire qui permette d'inclure tout le monde, et d'invisibiliser personne, le point médian me paraît tout sauf adapté... Et cela vous l'avez déjà noté. La lecture est, à force, fastidieuse, c'est laid (même si ça, en l'occurrence, c'est subjectif), et imaginer une œuvre littéraire écrite ainsi me donne des sueurs froides... Parce que la littérature est la discipline où le langage se fait art ; avec l'écriture inclusive, difficile d'apprécier correctement le rythme d'un poème, ou même l'efficacité d'une syntaxe... Certains diront que ce n'est qu'une question d'habitude ; ils ont peut-être raison, après tout personne n'a testé, et ce n'est "jamais" que quelques signes de ponctuation en plus, mais en attendant, à chaque fois que j'y suis confrontée sur un texte trop long, je me retrouve à le lire deux fois moins vite et à le comprendre moins bien... Essentiellement parce qu'on ne sait pas comment on doit lire dans notre tête. "Es-tu amoureux.se ?" provoque un véritable bug dans mon esprit. Que dois-je lire ? "Es-tu amoureux ou amoureuse ?" ? Non, car sémantiquement ce serait différent de ce que l'auteur a voulu signifier... Je dois lire en même temps deux mots qui se substituent sur l'axe syntagmatique, et cela mon cerveau ne sait pas le faire. Il doit ajouter des conjonctions pour prolonger la phrase et donc l'axe, mais en faisant cela il touche la sémantique... Parce que ça relève de l'axe paradigmatique. On rentre dans des considérations techniques qui paraissent bien peu de choses à beaucoup, certainement, mais en tant qu'étudiante et passionnée de ces questions et du langage, ça me dérange. Je n'y vois qu'une rigidité qui amoindrit ma liberté d'expression et d'écriture...
Et puis voyons plus loin. Il est évident que l'inclusion va, prochainement, concerner aussi les identités de genre (je crois qu'on dit comme ça ? Je me suis un peu renseignée sur le sujet mais j'ai peur de confondre, il faut dire que ce sont des informations que je mobilise assez rarement) différentes de l'homme et de la femme... Il me paraît donc judicieux de rendre à César ce qui est à César, et de rappeler qu'à l'origine, ce que nous appelons "masculin" est dérivé du cas neutre du latin... Donc cessons de l'appeler masculin, appelons le "neutre" et gardons ainsi toutes nos règles grammaticales, en permettant l'inclusion de tous... Ce qui aurait l'avantage non négligeable, par rapport au point médian, de sauvegarder complètement l'histoire de la langue. À côté de cela évidemment, il faudrait travailler à la création d'un "vrai" masculin... Et bingo, pour cela nous avons le calque tout près de notre féminin. Faisons exactement comme pour les accords féminins, mais avec une autre désinence, mettons, par exemple, le /o/... Comme ça tout le monde est content, on aurait un féminin, un masculin et un neutre, sans trop toucher aux règles grammaticales fondées en générale sur une histoire de la langue qu'il serait dommage de détruire... Mais on s'obstine à plébisciter le point médian, et je ne comprends pas pourquoi ^^'
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