5 Juil. 2023 1h29
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Hélder Câmara, évêque brésilien, disait ceci :
"Il y a trois sortes de violence :
- La première, mère de toutes les autres, est la violence institutionnelle, celle qui légalise et perpétue les dominations, les oppressions et les exploitations, celle qui écrase et lamine des millions d’Hommes dans ses rouages silencieux et bien huilés.
- La seconde est la violence révolutionnaire, qui naît de la volonté d’abolir la première.
- La troisième est la violence répressive, qui a pour objet d’étouffer la seconde en se faisant l’auxiliaire et la complice de la première violence, celle qui engendre toutes les autres.
=> Il n’y a pas de pire hypocrisie de n’appeler violence que la seconde, en feignant d’oublier la première, qui la fait naître, et la troisième qui la tue."
Que rajouter d'autre ? Vous tous, sur le site, semblez unanimes dans le fait de condamner les dégradations et les actes violents au cours des émeutes, mais quid du reste ? Les gens sont en colère et n'ont plus rien à perdre. Ils savent très bien ce qu'ils encourent en cassant, en pillant et en brûlant, il serait naïf de penser qu'une surenchère dans la sanction les ferait reculer comme j'ai pu le lire.
Pour mettre fin aux violences urbaines, il faut aller au coeur du problème : la répression musclée aux émeutes n'est qu'un pansement sur une plaie ouverte ! Ajoutez à cela la communication catastrophique du gouvernement tel du white spirit en guise de désinfectant, et vous obtenez tous les ingrédients pour une gangrène !
Car oui, on ne se pose pas les bonnes questions : plutôt que le concours Lépine à qui aura la meilleure idée pour neutraliser les manifestants, intéressons-nous aux raisons de la colère ! Demandons-nous pourquoi la mort d'un jeune homme a déclenché des émeutes partout en France !
Et pour en revenir à ma citation initiale :
- La violence institutionnelle en question, c'est le mépris du gouvernement pour le peuple français, et plus précisément pour les banlieues dans notre cas précis : ce mépris s'illustre par un abandon des banlieues à leur sort, un naufrage économique, et surtout des bavures policières maquillées par l'IGPN qui cherche à disculper les forces de l'ordre plutôt que de chercher la vérité ! Car oui, depuis des années, on le sait : l'IGPN (Inspection Générale de la Police Nationale, l'organisme qui est censé enquêter sur les cas de bavures policières) choisit sciemment de défendre ses collègues (car l'IGPN est interne à la Police Nationale) plutôt que de véritablement enquêter sur les faits. Et depuis des années, un organisme de justice indépendant pour contrôler les bavures policières est réclamé, mais depuis des années, les gouvernements successifs font la sourde oreille ! Les sanctions envers les policiers fautifs restent aujourd'hui extrêmement rares, les cas avérés de caviardages de rapports sont légions, mais rien ne bouge ! Si la mort de Naël a provoqué tant d'émeutes, c'est que la rue ne voulait pas un nouveau cas de corruption de l'IGPN ! Et force est de constater que cela a réussi ! Pour être entendu et qu'il y ait une justice, faudrait-il tout casser et vandaliser ? Il semblerait hélas que oui, puisque que c'est le seul langage que semble comprendre le gouvernement ! Car des Naël, il y en a eu des dizaines et des dizaines avant. Des dizaines et des dizaines de familles qui n'ont pas eu droit à la justice et qui ont vu l'État par le biais de l'IGPN leur cracher au visage. Des dizaines et des dizaines de cas d'injustice dont vous n'avez jamais entendu parler puisqu'ils n'ont pas provoqué d'émeutes. Et la mort du petit Naël aurait sûrement fini sur un non-lieu du policier incriminé si les émeutes n'avaient pas eu lieu.
Alors, que faire ? Arrêter de mépriser les citoyens en réformant la police et en remplaçant l'IGPN par un organisme indépendant ? Ou bien continuer à nier le mépris de l'État et les graves disfonctionnements au sein de la police au risque de voir d'autres émeutes émerger ces prochaines années comme le fait le gouvernement actuellement ? Car oui, le gouvernement a clairement choisi de jouer les pompiers pyromanes : depuis quelques jours, nous avons le droit à la négation la plus crasse des disfonctionnements existants au sein de la police, à la négation du racisme constaté au sein d'une partie de nos forces de l'ordre (même l'ONU le dit) et à une absence totale de remise en question ! Comment voulez-vous que la situation s'arrange quand les premiers responsables, au lieu d'aider à éteindre le feu, remettent du bois et de l'essence ?
- Pour la violence révolutionnaire, on en parle que de cela depuis le début des émeutes... Tout et son contraire a été dit, chacun y va de sa petite idée pour les faire cesser, mais comme je le dit depuis le début, ces violences sont un symptôme de quelque chose de beaucoup plus profond !
- Et enfin, pour la violence répressive, eh bien forcément, on est dans un cercle vicieux : la Police, malade de l'intérieure, fait son travail de répression en commettant certaines bavures (pourquoi se priver puisque ce n'est pas sanctionné ? ), cela attise encore plus la colère, et la répression se fait de plus en plus violente, etc...
Et sinon, petit aparté à propos de ceux qui explorent le passé du jeune homme tué : qu'est ce que ça change qu'il ait eu des antécédents ou non, qu'il ait 17 ans ou bien 27 ? Le refus d'obtempérer n'est pas puni d'une balle dans la tête, quel que soit le passé de la personne concernée ! Je trouve particulièrement répugnant de tenter de relativiser la mort de Naël sous prétexte qu'il avait des antécédents ! Un refus d'obtempérer n'est pas puni de la mort, point.
Et je vous vois tous écrire votre petit avis sur les émeutes (et je m'inclus dedans), alors je vous met en guise de conclusion de mon message l'incipit de "Gatsby le Magnifique" :
"Quand j'étais plus jeune, ce qui veut dire plus vulnérable, mon père me donna un conseil que je ne cesse de retourner dans mon esprit : "Quand tu auras envie de critiquer quelqu'un, songe que tout le monde n'a pas joui des mêmes avantages que toi"."
À lire et à méditer.
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