24 Juil. 2010 19h49
Ouragan
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Peut-on dire assurément : ''c'est laid'' ?
Je me suis posé cette question cet après-midi à l'occasion d'une conversation avec un énergumène catégorique et rigide. Il est de coutume de considérer que la beauté est avant tout affaire de subjectivité. Il n'existe pas de jugement capable de toucher la vérité voire même de l'effleurer lorsque l'on prononce ces trois mots : ''c'est laid'' Mais qu'est-ce qui sous-tend exactement derrière cette locution du langage courant si ce n'est le reflet de la pensée commune ? La laideur se définit par ce qui repousse et s'oppose à l'attrait, par définition lui-même incontrôlable l'envie de l'Autre (objet ou sujet). Contrairement à la beauté que l'on n'imagine pas dispersée, comme un Tout, une seule fenêtre sur le ''bien fait'', la laideur se caractérise comme ce qui est pluriel : on va juger hideux plusieurs composantes d'un même objet, le reste demeurant pour le moment ''quelconque'', alors que l'on admirera la beauté, une et indivisible, d'un autre ensemble. Ceci nous renvoie sur la question : ''qu'est-ce que je veux exactement ?''. Il m'est impossible de voir d'autre beautés que celle qui émane d'un objet et par ailleurs, je puis désigner, pointer du doigt, souligner les défauts d'un autre objet, donc en cibler l'incohérence puis la laideur (car cette dernière surgit initialement d'une pièce manquante, d'un élément substitué, que sais-je ?). Si je garde un point de vue que je n'hésite pas à qualifier de candide, je dirai qu'on peut ignorer, outrepasser la laideur, opérer un mouvement de colmatage de la pulsion de dégoût qui m'envahit mais dans ce cas, je ne suis plus moi-même en accord avec la vérité car la laideur est une essence, elle existe, elle est là, elle est parcellée, on n'y peut rien. Toutefois, si je garde un point de vue qui colle à la raison, je dirai que cette laideur qui pose un problème de légitimité dans la considération de ce que je peux côtoyer, de ce que mes sens peuvent supporter, cette laideur donc, elle a caractère à être irréfutable. Elle est accessoire dans ma vie, elle a vertu d'utilité et même de nécessité pour dicter à ma conscience quel lieux je pourrai fréquenter dignement, quels objets je pourrai utiliser sans répugnance, avec quel être je pourrai faire expérience d'amitié sans aversion, à quel être je pourrai donner mon amour dans ce but on ne peut plus simple et complexe d'avoir des enfants et j'en passe... A cette condition néanmoins, je suis contraint de vivre avec la laideur, la vérité me l'impose et une vie laide n'est pas une vie, c'est une plaie.
Devons-nous nous considérer comme esclaves de ce que nos sens perçoivent de hideux ou nous leurrer en restant aveugle à la laideur et en perdant ainsi le bénéfice de pouvoir dire : ''Moi, j'ai raison'' ?
Qu'en pensez-vous ?
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